Spirales by Tatiana de Rosnay

Auteur:Tatiana de Rosnay [Rosnay, Tatiana de]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier
ISBN: 9782266149297
Google: m9AIPAAACAAJ
Éditeur: Pocket
Publié: 2004-01-01T23:00:00+00:00

32.

La fille et son frère n’étaient pas venus depuis quelques semaines. Hélène imagina qu’ils avaient dû vendre les perles à un bon prix, et que la somme devait les satisfaire, pour le moment.

Alice n’avait pas encore remarqué la disparition des perles. Mais lorsqu’elle le ferait – car Alice remarquait tout – que dirait Hélène ? Je les ai perdues, j’ai oublié de te le dire. Non, trop désinvolte. Elles sont dans le coffre, ma chérie, avec mes autres bijoux. Oui, voilà, un mensonge. Un petit mensonge. Alice n’irait pas vérifier, elle n’avait pas la combinaison du coffre. Un mensonge qui ferait l’affaire, pour le moment. Jusqu’à la prochaine question d’Alice. C’est drôle, tu les mettais tout le temps, mes perles, maman. Tu ne les aimes plus ?

Les vertiges s’estompaient. Mais Hélène gardait une sensation de flottement, d’irréalité, comme dans un rêve flou, ou comme si elle se trouvait sous l’eau. Ses mouvements étaient lents, alanguis, son débit de parole ralenti. Elle avait parfois l’impression de subir l’effet étourdissant d’un alcool qu’elle n’avait pas ingurgité, d’une substance illicite qu’on lui aurait administrée à son insu.

D’habitude, à cette époque de l’année, juste avant Noël, elle débordait d’énergie. Elle s’occupait des cadeaux pour la garderie, organisait le cocktail annuel de la bibliothèque. Mais cette fois, ces activités la remplissaient d’ennui. Elle prétexta des soucis familiaux et délégua le tout à ses collègues. Oui, sa belle-mère était très fatiguée, il fallait qu’elle s’en occupe beaucoup plus, pour les fêtes. Oui, elle devait garder les enfants de sa fille qui partait à New York avec son mari. Oui, elle devait aider son fils à trouver du travail avant la nouvelle année.

Rien de tout cela n’était vrai, mais personne ne questionna Hélène. On la croyait sur parole. Hélène était ce genre de femme qu’on pensait incapable de mentir.

Elle avait plus de temps libre, à présent. Pour lutter contre les derniers assauts du vertige et fuir son lit, elle avait pris l’habitude de marcher dans le quartier, de se laisser porter au hasard, au gré des rues, des avenues. Elle aimait le froid qui piquait ses joues, ses oreilles. Elle déambulait longuement, pas très vite, mais à un rythme soutenu qui lui permettait d’avaler bon nombre de kilomètres.

À chaque feu rouge, elle se retournait pour voir si la fille et son frère la suivaient. Elle ne pouvait pas s’en empêcher. Cela devenait un geste automatique. Un rapide coup d’œil au-dessus de son épaule, juste pour vérifier. Rien. Parfait. Elle pouvait continuer.

Et elle avançait ainsi, de son pas placide, un peu instable, les yeux vagues, auréolée d’un mystère triste qui faisait que parfois les hommes qui la croisaient la suivaient du regard, un instant.

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